L'apprentissage basé sur les compétences
Sommaire de l’article
L’apprentissage basé sur les compétences, une approche progressive :
- Les composantes d’une approche basée sur les compétences
- Le référentiel parfait n’existe pas
- Variété des moments d’apprentissage
- Évaluation et appréciation
- Architecture technique et analyse de données
- En bref, tout part d’objectifs concrets
Ce qui est compliqué avec les compétences en général, c’est que personne n’y voit très clair. Les rationaliser systématiquement au sein d’une entreprise, dans une approche d’apprentissage basé sur les compétences, est complexe et demande d’être méthodique. Il peut être dur de se lancer car on ne sait pas par où commencer. Il peut être encore plus dur d’avancer tant les modèles existants semblent, à un moment, montrer leurs limites (ROME, ESCO et autres…).
Au-delà du concept de compétence — qui, lui, ne date pas d’hier — l’apprentissage « basé sur les compétences » prend de plus en plus d’ampleur. Il s’envisage comme une approche résolument tournée vers l’avenir. En effet, l’approche par métier devient difficile sur des postes protéiformes, alors que celle par bloc de compétences apparaît plus agile.
Dans cet article, on vous parle de cette approche, de comment se lancer et d’en tirer pleinement parti.
Née du constat qu’être capable de rationaliser les compétences dans le contexte complexe d’une entreprise est — et sera — un avantage compétitif, cette discipline naissante de la fonction L&D se spécialise dans le développement et l’amélioration d’un cadre permettant de systématiquement rationaliser les compétences au sein d’un écosystème d’apprentissage.
S’il a un temps été possible de modéliser les compétences de façon intuitive au sein de collectifs, les sociologues et psychologues s’accordent à dire qu’au-delà de la centaine d’individus, cela devient beaucoup plus compliqué. Effectifs et complexité accrus ont progressivement eu raison de notre capacité à rationaliser intuitivement les compétences. Des systèmes hiérarchiques complexes ont donc rapidement fait leur apparition pour rationaliser les compétences entre les différents niveaux (équipes, départements, business units…) de l’entreprise : les fameux « frameworks » ou référentiels.
L’effet de bord de la complexité de modélisation des compétences a aussi dirigé l’apprentissage vers une approche basée sur les moyens (temps passé, nombre de contenus mis à disposition, % d’utilisateurs actifs, présence…), qui, eux, sont bien plus simples à évaluer, alors que l’apprentissage avait, historiquement, presque toujours été basé sur les résultats.
1. Les composantes d’une approche basée sur les compétences
Un des principaux enjeux de l’apprentissage basé sur les compétences est donc de revenir à une approche fondée sur les résultats. Cela passe notamment par :
l’implémentation d’un référentiel,
la capacité à développer les compétences en fonction de ce référentiel,
celle de les évaluer,
et une architecture technique (données, fonctionnelle, interopérabilité) capable de soutenir le dispositif.

2. Le référentiel parfait n’existe pas
Eh oui ! Le référentiel magique n’existe pas — et n’existera probablement pas avant un moment. Cela rend la mise en place d’un référentiel dans une entreprise une question épineuse.
Il y a deux options concernant son choix et son implémentation, et il faut analyser soigneusement les besoins et enjeux concrets afin d’obtenir les bénéfices désirés en matière de plans de développement individuels, d’adéquation entre besoin et disponibilité des compétences, d’amélioration des processus clés ou d’autres objectifs business.
D’un côté, il existe des référentiels « taille unique » dont les caractéristiques peuvent convenir aux besoins de l’entreprise ; de l’autre, l’entreprise peut elle-même construire un référentiel en adéquation avec ses enjeux.
L’un est plus simple et plus rapide, mais ne couvre pas forcément l’ensemble des besoins de façon pertinente. L’autre requiert plus de ressources, mais peut permettre de tirer davantage de valeur d’une approche basée sur les compétences.
2.1 Quelques questions à vous poser...
Quels sont les bénéfices ou objectifs concrets que je pense tirer de la mise en place d’un référentiel ?
Ce référentiel m’aide-t-il à atteindre ces objectifs ?
Les fonctions centrales de l’entreprise sont-elles couvertes de manière pertinente ?
L’entreprise dispose-t-elle de beaucoup de connaissances « métier » ou spécifiques à l’entreprise ?
Pour quel pays ou marché du travail ce référentiel est-il pensé ?
Ce référentiel est-il compatible avec mon organigramme, ma nomenclature de postes, mes obligations administratives… ?
Ce référentiel est-il compatible avec mon architecture technique ?
Quelles sont les perspectives d’évolution de ce référentiel ?
D’un autre côté, mon entreprise dispose-t-elle des ressources (internes ou externes) pour maintenir un référentiel ?
2.2 Conseil : Faites simple et faites petit à petit pour une approche cohérente avec vos objectifs !
Quel que soit votre besoin, vous devriez sérieusement songer à construire votre propre référentiel. Rien ne vous empêche de vous faire aider et de vous inspirer, ou de reprendre des parties de référentiels « taille unique » qui correspondent à vos besoins ou à une partie de vos besoins, mais avoir votre propre référentiel vous aidera à maximiser l’impact que ce dernier aura sur l’entreprise. De plus, si l’on fait les choses simplement, une approche basée sur les compétences peut être assez rapide à déployer.
Il y a différents éléments de votre référentiel avec lesquels vous pouvez jouer pour simplifier les choses selon votre contexte.
Vous pouvez, par exemple, choisir un petit nombre de niveaux de maîtrise (3 à 4) d’une compétence et augmenter progressivement à mesure que votre approche se développe, en vous appuyant sur les managers de proximité pour faire ce découpage.
Vous pouvez aussi choisir de ne vous focaliser que sur certaines populations ou corps de métier qui représentent une part importante des effectifs de l’entreprise et pour lesquels il est nécessaire de cartographier plus finement les compétences.
Vous pouvez également cartographier les compétences en vous limitant à un mot-clé (même si une phrase est sans doute préférable, puisqu’elle est plus descriptive).
Une fois une première version du référentiel lancée, vous commencez à générer de la donnée et pouvez affiner le référentiel.
3. Variété de moments d’apprentissage
Il semble clair qu’en matière d’apprentissage basé sur les compétences, le contenu « formel » ne nous mènera pas très loin. C’est pourquoi une approche basée sur les compétences passe aussi par l’accès à une grande variété de moments d’apprentissage. Ce ne sont pas les temps passés derrière un MOOC qui constituent la compétence, mais bien tous ces moments où nous avons lu, écouté, observé, où nous avons tenté, échoué et appris de nos erreurs, où quelqu’un nous a fait un retour, où nous nous sommes mués en coachs ou mentors… S’il semble compliqué de tout rationaliser, beaucoup de ces moments peuvent toutefois être capturés dans une logique d’écosystème, permettant ainsi une analyse plus approfondie (xAPI et LRS, par exemple).
S’il est important de disposer d’une grande variété de moments d’apprentissage, il faut également savoir les organiser et les diffuser en fonction des objectifs de compétence. Des moteurs de recommandation peuvent notamment être utilisés.
3.1 Conseil : ne négligez pas votre culture apprenante.
La culture apprenante peut servir à amplifier de nombreux moments d’apprentissage, comme le mentorat, le coaching, l’apprentissage entre pairs, les communautés d’apprenants, le partage de projets, les retours… qui constituent une part importante de l’apprentissage expérientiel, et donc de la montée en compétence.
4. Évaluation et appréciation
L’évaluation est indispensable à un dispositif d’apprentissage basé sur les compétences pertinentes, mais encore une fois, il ne faut pas trop complexifier. Il est notamment important de faire la distinction entre évaluation et appréciation, car l’appréciation est tout aussi importante que l’évaluation dans une approche basée sur les compétences. Par exemple, combien de fois faut-il changer une roue avant d’être perçu comme compétent ? 10 ? 100 ? 1000 ? Cela relève de l’appréciation des autres ainsi que de l’autoappréciation que l’on a de soi-même. Il n’y a pas forcément d’évaluation à proprement parler. Dans le cas d’un examen, par exemple, c’est une évaluation, mais le barème de cet examen dépend de l’appréciation du ou des formateurs.
S’il y a bien sûr des fonctions critiques qu’il est normal d’évaluer finement grâce à des barèmes précis, pour des compétences plus générales, il est bon de s’en remettre à une approche plus humaine, qui repose sur l’appréciation d’experts-métiers, de pairs, de managers ou d’autres formateurs… Ils ont en effet un rôle crucial à jouer dans le développement des compétences de leurs collaborateurs et équipes, et ce sont eux les mieux placés pour évaluer (apprécier) les compétences de leurs collaborateurs.
De plus, on n’évalue pas une compétence, on évalue un niveau de maîtrise d’une compétence, car ce niveau est rattaché à des tâches opérationnelles que la personne sait ou ne sait pas faire.
4.1 Conseil : laissez beaucoup de place à la pratique
La pratique est bien sûr indispensable et il est important de la favoriser dans son écosystème. Les apprenants doivent pouvoir essayer, échouer et apprendre, obtenir des retours d’experts-métier ou managers, trouver et participer à de vrais projets… afin que l’on ait plus d’éléments permettant d’apprécier les compétences. Et même si l’appréciation n’est pas parfaite, ce n’est pas grave, c’est la somme des appréciations et des données relevées au niveau global d’une entreprise, qui permettront de dégager les tendances et la stratégie.
5. Architecture technique et analyse de données
C’est sans doute la partie la plus importante, celle sans qui nous avancerions véritablement les yeux fermés dans la salle déjà très mal éclairée de la gestion des compétences.
D’abord parce que ce sont les données, et les possibilités en matière d’analyse de données, qui vont guider votre approche. Si la première question à se poser au moment d’envisager une approche basée sur les compétences est : « Quel est mon objectif avec cette approche ? », la deuxième serait : « Comment est-ce que je mesure d’éventuels progrès relatifs à cet objectif ? ». La partie pédagogique et d’évaluation de l’approche n’est finalement qu’un moyen d’obtenir des données permettant de répondre à cette deuxième question.
Les Learning analytics, c’est répondre à une troisième question : « Quels résultats ai-je obtenus ? ». On vous en parle dans cet article.
Deuxièmement, parce que sans une architecture de données capable de soutenir le dispositif, il n’y a pas de dispositif. Une approche d’écosystème peut notamment grandement aider une entreprise à faire sens de toutes ces données en tentant de poser un cadre de jeu (comme la norme xAPI et cmi5) entre les différents échanges de données.
5.1 Conseil : adoptez une approche itérative (Test & Learn)
Une approche itérative peut être un bon moyen de construire progressivement une démarche basée sur la donnée. Elle vous permet d’améliorer graduellement l’approche et le cadre d’analyse. Si les choses se font dans le bon ordre, elles se feront naturellement avec le temps.

6. En bref, tout part d’objectifs concrets
Pour qu’une approche basée sur les « compétences » soit réussie, il faut toujours partir d’un objectif organisationnel concret, d’une stratégie d’entreprise et surtout accepter de ne pas faire les choses parfaitement dès le premier coup.
Du choix, de la création du référentiel à la mise en place du cadre d’analyse, ce sont le ou les objectif(s) business qui vont conditionner tout le développement de votre dispositif de formation basé sur les compétences. C’est aussi là que réside l’intérêt, à une époque où l’on demande de plus en plus aux départements L&D d’être « HR Business Partner ».